Fabrice Praeger – Jeu de l’être
Fabrice Praeger a été invité aux Rencontres Internationales de Lure en 2006 afin de présenter son travail, bien que n’étant pas trop attaché à la typographie. Qu’importe La thématique de l’édition 2006 était « L’écrit d’amour » aussitôt transformé par Fabrice en « Les Cris d’Amour ». Retour sur la production de ce créateur touche-à-tout depuis son génialissime INVENTÈR , publié en 2002, tous deux appellations d’origines incontrôlées.
Fabrice Praeger est un drôle de type, avec une gueule d’ange, un look terrible il m’accueille en portant un Marcel (comme celui quil a signé et édité avec la complicité de Nekt ) – et surtout un regard et une capacité à observer le monde en mode décalé. Fabrice est un poète visuel multi-facettes, multi-supports, multi-formats, peu influencé par ses contemporains, Savignac étant le seul producteur d’images digne d’être présent dans son appartement.
Il a toujours cette même soif de dérision, surtout poétique. Quand on le connaît, on se retrouve rapidement mais agréablement (!) inondé de petites images-cadeaux qui parlent, avec simplicité, d’amour, de l’humain, d’argent, du quotidien, de sexe, de la solitude .
Illustrateur, graphiste, photographe, publicitaire, designer, « metteur en scène » et acteur (il s’apprête à jouer dans un premier court-métrage), il met en exergue les mots du quotidien, leur redonne leur poids, leur sens. Il joue le rôle évident de trait d’union entre ceux qui veulent voir et ce que les autres ne voient pas, en leur montrant des mots d’amour (souvent avec humour) en transmettant un message avec une gymnastique du raccourci qui interpelle, sans artifice. Cet « homme-idées », comme il aime à se définir, empruntant la formule à Hans Hollein (un architecte designer autrichien), préfère un signe simple aux fioritures. À croire qu’il peut, qu’il sait tout dire simplement.
Né à Paris , il décroche un Bac de Philosophie avant de rejoindre la prestigieuse école de Design Les Ateliers Saint-Sabin / Ensci (École Nationale Supérieure de Création Industrielle) où il restera six ans. Par la suite, il fait, un temps, partie des Graphistes Associés , sabordés en 2004, passe un mois avec Gérard Paris-Clavel avant de se lancer en indépendant.
Créateur tout terrain obsédé par le sens des mots et des images et des objets, Fabrice ne peut travailler sans mettre d’affectif dans ses créations : « Je ne suis capable de travailler qu’avec des gens que j’aime et qui apprécient mon travail ». Pour autant, pas question d’avoir d’a priori sur ses clients qui viennent de tous les univers, du luxe à la télévision en passant par les maisons de disques ou les organismes humanitaires. Les commandes viennent par le bouche-à-oreille, au gré de rencontres. Cest un sac Tati (le clin d’oeil est évident) qui lui sert de book et c’est sans plaquette ni site Internet que Fabrice « démarche ». Il se présente comme un artisan au service d’un message et d’un client. Bien qu’il ait contribué à faire passer des messages pour des « grandes causes », c’est en tant que créateur et non au nom d’un engagement politique : « Je ne me permets pas, et d’ailleurs, j’en serais incapable, je ne lis aucun journal ni n’allume la télé ».
Beaucoup de ses travaux sont rassemblés dans INVENTÈR , monographie de 300 pages (Éditions Dumerchez), éditée à l’occasion de la rétrospective sur son travail présentée à Chaumont (ville de laffiche et de limage) en 2002, dont la lecture est un vrai régal, sinon un choc émotionnel. On y découvre ses premiers travaux pour Libération, Arte , toute l’image du Musée du Moyen-Âge (Thermes de Cluny) dont il a remporté la consultation en 1996 mais aussi Libération et Le Monde , Agnès b, Universal Music , Christian Dior , le Centre Georges Pompidou ou encore Monoprix . Plusieurs de ses travaux sont également parus dans des livres et des magazines à l’international (Tokyo, Londres, Hong-Kong, New York ).
Un autre avant-projet de Fabrice est retenu par le Monde ainsi que l’idée (stratégique) de circonscrire « Le Monde Eté » à une période datée, sous forme de flamme postale.
Ce « Géo Trouvetou », à l’origine du « bracelet plat du jour », se révèle être très discipliné, synthétique et surtout obsédé par la cohérence et la justesse de ses propos et de sa démarche, quel que soit son support d’expression ou le secteur d’activité. C’est sans surprise que l’on découvre ainsi qu’il est à l’origine de l’identité du « Prix du Fair-Play », dessinant le logo, le diplôme et même le trophée de la très institutionnelle LFP (Ligue de Football Professionnel) ou qu’il collabore avec la Cité des Arts de la Rue (premier pôle européen consacré aux arts de la Rue à Marseille).
Pour les 150 ans des papeteries Clairefontaine, Fabrice en imagine le logo officiel : un lignage écolier qui accueille pleins et déliés, mais qui donne tout autant naissance à des pixels dessinant alors le nombre « 2008 ». Pour clore l’équation, une écriture festive de confettis… en papier : la boucle est bouclée ! Cette création de Fabrice Praeger est récompensée d’un trophée « design-packaging » au prix 2009 du « Club des Directeurs Artistiques ».
Il conçoit également la carte de voeux du groupe, en extrait une de ses illustrations pour le verso des sacs en papier. Ladite carte, envoyée en décembre, présente le logo officiel des 150 ans, évoque délicatement le parfum, à sortir en avril, sans le dévoiler pour autant : « 2008 : Il y a comme un parfum d’anniversaire chez Clairefontaine » Autres « accroches » encore lorsque Fabrice invente : « happy bird day », « j’ai trouvé l’eau si belle… que je l’ai adorée », « j’ai trouvé l’eau si belle en m’allant promener » et pour finir : « l’eau si belle, jamais vous ne l’oublierez »….
Un tout récent magasin de décoration situé à Bruxelles lui a demandé d’inventer son nom de marque et de concevoir toute son identité graphique. Fidèle à son approche prolifique, il propose 25 noms différents. Le client retient « TOIT » . Dans un même élan, Fabrice invente également la base line de « TOIT » : « la maison de la maison ».
Son dernier projet, manifeste , une nouvelle marque de produits basiques essentiels, dont il a conçu l’ensemble de la communication visuelle et dont il a également trouvé le nom. Cette dernière souhaitait communiquer avec une approche épurée. Il est également intervenu sur les emballages des vêtements pour enfants, et devrait par la suite, toujours au sein du projet manifeste, travailler sur des vêtements pour adultes, une maison d’édition, des produits cosmétiques ! Une agence à lui tout seul.
Et malgré l’ampleur des réalisations, du sérieux du projet, c’est avec des mots comme « joli », « mignon » ou « chouette » qu’il les présente, en restant simple, en jouant sur l’émotion mais toujours avec cette véritable sincérité et justesse du signe. « Fabrice invente des objets qui véhiculent du sens mais ne se substituent jamais à lui » (Christian Caujolle dans INVENTÈR). Tout est dit !
Guillaume Frauly
Contact : Fabrice Praeger
Tél: 01 40 33 17 00 et fabrice.praeger@wanadoo.fr