Alexis Taieb

Un typo talent certain.

C’est par le biais de son expérience dans le graffiti qu’Alexis Taieb (alias Tyrsa) a fait ses premières armes dans ce qui adviendra être son affinité première, la typographie. Entre étude de la lettre, structuration et déstructuration de celle-ci, travail de la composition, il joue et déjoue les codes typographiques pour travailler des visuels précis, aux inspirations riches.

 

Studio 002 : Comment est née ta passion pour la typographie ?

AT: Je pense que tout a vraiment démarré avec ma découverte du graffiti lorsque j’avais 15 ans. À l’époque il s’agissait de travailler des lettrages complexes et de déstructurer les lettres, quitte à en perdre la lisibilité. C’était donc avant tout un travail pour les initiés. À la suite de ça, j’ai entamé des études en Arts graphiques et j’ai alors découvert le travail plus rigoureux et noble des grands  typographes. D’Adrian Frutiger à Herb Lubalin, j’ai compris que le travail que j’effectuais par passion par le biais du graffiti n’était pas si éloigné que ça des maîtres du genre. Je me suis alors pris de passion pour le dessin de la lettre en général. J’aime le fait de passer des heures entières sur le dessin d’une seule et même lettre pour trouver la forme parfaite.

Est-ce difficile d’allier créativité et contraintes professionnelles ?

Respecter  l’identité d’une marque, d’un produit, ne m’a jamais effrayé. J’aime ce challenge de pouvoir répondre au mieux à un cahier des charges tout en essayant de surprendre mon client en ajoutant  ma petite touche à laquelle il ne s’attendait pas forcément. J’essaie de pousser les limites créatives du brief au maximum. C’est au client d’évaluer la prise de risque qu’engendre un langage innovant par rapport à sa propre identité. Il me paraît important, en tant que créatif, de proposer quelque chose d’intéressant et abouti créativement sans tomber dans le piège du brief à fortes contraintes.

Tu as eu la chance de travailler sur de gros projets, quel est celui où tu t’es le plus amusé ?

C’est une vraie chance de pouvoir s’investir dans des projets à grande échelle sans pour autant négliger son style. Je suis conscient de cette chance, d’autant plus qu’il y a quelques années j’étais  plus dans un rôle de graphiste/directeur artistique et je devais mettre mon style un peu de côté. J’ai récemment travaillé avec une marque de basket, que j’affectionne tout particulièrement: Jordan. C’était un travail commandé par l’agence AKQA de San Francisco. Bien que ce soit l’un de mes plus gros clients, j’ai pu être extrêmement libre sur la création. Le processus de validation s’est fait très rapidement, en connaissant bien la marque, j’ai pu facilement  adapter mon style. Encore une fois, j’ai pu travailler sur un visuel de commande qui reste personnel à la fin. La marque est venue vers moi en me donnant des références de mes travaux précédents. Je me suis donc vraiment amusé à faire ce visuel et à tourner toute la vidéo de making off. C’est assez incroyable de pouvoir travailler pour des marques qui me faisaient déjà rêver enfant. C’est extrêmement excitant et épanouissant.

 

Comment définirais-tu ton travail, ton style graphique ?

Il est toujours difficile de devoir mettre des mots sur ce qui fait un style. C’est un mélange de toutes les inspirations dont je me nourris depuis que je suis tout petit. Le graffiti en fait vraiment partie, et même si je l’ai un peu mis de côté, je pense que la manière dont je travaille mes images aujourd’hui est très proche de la manière dont je travaillais «mes» murs à mes débuts. Le travail de relief, de lumières, d’ombrages autour de mes lettres vient beaucoup de ces références-là.Je viens du graffiti et mon style s’est enrichi de ma découverte des grands typographes. Herb Lubalin est la personne que je cite le plus dans mes références, il a amené la typographie dans une autre dimension. Il a fait parler les lettres comme on le fait avec un dessin ou une image. C’est quelque chose qui m’a toujours impressionné, car il faisait déjà cela dans les années 60-70, ce qui était extrêmement novateur à l’époque.À cela s’ajoutent toutes mes références visuelles comme l’esthétique du tatouage, des logos de sports US, de vieilles enseignes, donc beaucoup d’agencement de typo très rétro US. 

Ta collaboration avec Ugo Gattoni fait la couverture de ce numéro. Comment envisages-tu le travail à quatre mains et as-tu d’autres collaborations en vue  ? 

Les collaborations sont pour moi quelque chose de très important dans le travail. Je pense que la plupart des gens qui, comme moi, proviennent du graffiti y sont très familiers. C’est extrêmement enrichissant de travailler avec quelqu’un comme Ugo car il a une incroyable technique, et il m’a donc donné envie de me dépasser encore plus, et d’expérimenter un outil avec lequel je n’étais pas encore à l’aise à ce moment-là, le crayon de couleurs.

C’est la rencontre de deux traités différents, deux idées, deux manières de voir les choses, et ça ne peut être que bénéfique pour chacun. En tant qu’illustrateur indépendant, on est souvent livré à soi-même, on travaille dans notre petite bulle, et on a besoin d’autres personnes pour prendre un peu de recul sur ce que l’on fait. J’ai beaucoup travaillé avec un ami proche, iLK, qui m’a pas mal mis le pied à l’étrier lorsque j’ai commencé, et aujourd’hui à mon tour j’échange beaucoup avec Franck Pellegrino, une très belle rencontre que j’ai faite il y a peu.

J’ai également d’autres collaborations en vue, avec d’autres illustrateurs, mais aussi un projet autour de la pâte à modeler, ce qui permet d’amener une nouvelle dimension à mes typographies.

www.tyrsa.fr/
www.tyrsamisu.com/

 

 

 



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