Le Salon de l’Araignée

L’illustre aventure.

Amateur d’illustrations, et particulièrement de celles de l’entre-deux-guerres, Emmanuel Pollaud-Dulian signe conjointement une biographie monumentale de Gus Bofa aux éditions Cornélius et un livre sur le salon de l’Araignée aux éditions Michel Lagarde. 

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Studio 002: Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser à l’illustration de cette époque ?

EPD: Le hasard, ou les gènes… Mon grand-père était libraire à Nice, et vendait notamment ce qu’on appelle des illustrés modernes. Mes parents étaient des lecteurs boulimiques et omnivores, et qui se sont très tôt intéressés à la bande dessinée. Et ma mère, qui elle-même dessinait, avait posé, en arrivant à Paris, pour des artistes qui faisaient du livre illustré. Il était donc inévitable que je finisse par mal tourner et m’intéresser au dessin !

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Comment expliquez-vous cet oubli ?

De manière générale, et je pense que c’est encore le cas aujourd’hui, le dessin est, en France du moins, un art méprisé. On le considère comme un art mineur, quoi que cela veuille dire, et le cantonne à certains genres, la caricature, le dessin d’humour ou la bédé. L’illustration est souvent considérée comme soumise au texte, une simple fioriture. On voit donc dans le livre illustré une manifestation, secondaire, de l’Art Déco. Les dessinateurs qui ont fait carrière dans le livre n’ont intéressé ni les marchands d’art, ni la critique, ni les universitaires. On peut espérer, cependant, que les jeunes générations, habituées aux bandes dessinées, mangas et romans graphiques, montrent plus d’intérêt et de compréhension pour ces artistes que leurs aînés. Mais la bande dessinée a, hélas, la mémoire courte. Pourtant la filiation entre les dessinateurs des années 20 et 30 et ceux d’aujourd’hui me semble évidente.

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Qu’est-ce qui peut, dans le contexte de l’époque, expliquer cette créativité ?

Il y a d’abord la volonté de jeunes éditeurs de réagir contre la médiocrité des livres fabriqués durant la Grande Guerre, médiocrité matérielle, en raison des restrictions de papier et d’encre, mais aussi médiocrité artistique pour cause de propagande. Ensuite, le Franc perdant de sa valeur dans les années 20, la bourgeoisie croit trouver dans le beau livre un placement sûr. Le livre illustré, avec ses tirages réduits, sa clientèle relativement cultivée, permet à toute une génération  d’éditeurs, d’artisans et d’artistes, d’expérimenter, de créer, avec une liberté qu’elle n’aurait pas eu dans l’édition normale, la presse ou la publicité. Ajoutons que cette génération sort de quatre ans de guerre et entend secouer le joug des conventions, qu’elles soient sociales ou artistiques. Je crois qu’il n’est pas absurde de comparer un éditeur graveur comme Roger Lacourière, ou Henri Jonquières, qui fait pratiquement vœu de pauvreté par amour du livre, à, de nos jours, l’Association ou Cornélius. Evidemment la liberté a un prix. Et Chas Laborde constate que se consacrer au livre illustré c’est entrer dans la clandestinité artistique.

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à propos, pouvez-vous évoquer le livre sur le Salon de l’Araignée qui vient de sortir aux éditions Michel Lagarde ?

Ce salon naît en 1920 de la volonté de Gus Bofa de regrouper et pousser les jeunes dessinateurs de la génération de la guerre.  Avec le graveur Jean-Gabriel Daragnès, Pierre Mac Orlan, Jean Galtier-Boissière et quelques autres, il fonde un collectif d’artistes, qui exposent chaque année  leurs travaux personnels Galerie Devambez, à Paris.  La participation est gratuite. Il n’y a ni jury, ni prix, ni statuts. Aux débutants Bofa paie l’encadrement de leurs dessins. Le Salon leur permet d’exposer à côté d’un Pascin ou d’un Chagall, et de rencontrer patrons de journaux, éditeurs et amateurs.

Illustration Lucien Boucher

 

Le salon de l’Araignéeaux éditions Michel Lagarde, graphisme Géraldine Meo, 

sortie prévue en  Novembre, 240 pages, 35€

Une exposition des artistes de l’Araignée aura lieu cet automne à la galerie Michel Lagarde

13 rue Bouchardon, Paris 10ème 



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