Marion Fayolle

Le spectacle littéraire.

Diplomée en juin 2011 de la Haute école des arts du Rhin, Marion Fayolle est l’auteure-illustratrice de plusieurs livres : L’homme en pièces aux éditions Michel Lagarde, Le tableau aux éditions Magnani et Nappe comme Neige aux éditions Notari. Elle travaille également pour la presse (XXI, Le NYtimes, Paris mômes, Psychologies Magazine….) et s’occupe de la revue Nyctalope avec Simon Roussin et Matthias Malingrey. Elle nous livre ici les dessous de son nouveau livre La tendresse des pierres, aux éditions Magnani.

 

Dans mes livres, les tableaux prennent vie, les gens voyagent en changeant la vue qu’ils ont de leur fenêtre comme on changerait un poster, les femmes piègent des hommes sous leur jupe, des musiciens soufflent dans des iris comme dans des instruments.  Je joue avec les mots, avec les formes. Mes personnages sont comme des objets. Comme des vases en verre, ils peuvent se casser. Comme des bougies, ils peuvent fondre. Comme des puzzles, il peuvent être incomplets. Comme des plantes vertes, ils grandissent si on les arrose. Ils sont de simples jouets, de modestes pantins. Ils incarnent des idées, des concepts et deviennent des personnages théoriques. Ils dansent et nous miment des choses de la vie avec poésie et drôlerie.

En octobre prochain paraîtra un nouvel ouvrage très important pour moi aux éditions Magnani : La tendresse des pierres. Ce projet représente plus de deux années de travail et prend pour point de départ l’envie de raconter la maladie de mon père, ses conséquences et ses transformations. Comment tout reconstruire autour d’un homme mutilé par les opérations et devenu dépendant ? Cette épreuve ne doit-elle finalement pas être plutôt envisagée comme une aubaine de pouvoir faire une nouvelle rencontre avec cet homme au caractère très dur ? Le sujet est assez délicat et toute la difficulté a été, pour moi, de trouver le ton juste. Je souhaitais l’histoire tendre, pudique, touchante mais aussi absurde et remplie d’humour. Très vite, je me suis aperçu que le sujet du livre était important mais que l’intérêt se situe aussi au-delà du propos. En effet, on a tendance à se demander «de quoi ça parle?», à se focaliser sur l’intrigue, ici il faudrait peut être plutôt se questionner sur «comment ça en parle ?» Le récit aborde le thème de façon surréaliste. Le père n’est pas malade mais subit des transformations. On ne parle pas de trachéotomie ou de respirateur artificiel mais d’un nez porté comme une parure et d’un poumon à roulettes qu’il doit tirer derrière lui comme une valise.

 

Le livre est composé d’une succession d’allégories et le texte est comme un fil de couture qui vient créer un lien entre les différents chapitres, les différentes ambiances et mises en scène. En effet, ce qui est étonnant c’est que le personnage du père est changeant, il bouge au gré des métaphores. Ce n’est pas parce qu’on lui a retiré sa bouche dans un chapitre, qu’il n’en aura plus dans la suite du livre. Ainsi, il est parfois géant, parfois sans visage, parfois enfant, parfois rocher, parfois une immense silhouette noire. Sa représentation s’adapte à ce que dit le texte et fait de lui un personnage mouvant, insaisissable, sans cesse refaçonné.

J’essaie de le comprendre et de l’analyser. Je réfléchis à voix haute à t

oute une série d’hypothèses emmenant le lecteur avec moi dans différents voyages poétiques et mettant en évidence toute la richesse et la complexité de son caractère. Est-ce un enfant fragile ou un homme aussi râpeux qu’un rocher ? Est-ce une personne faible qui attend la mort ou un roi tyrannique, incapable d’éprouver un peu de reconnaissance ?

J’ai souvent envie d’employer le terme de «spectacle littéraire» pour parler de ce livre. Car, au commencement, il ne s’agissait que d’un texte et d’un travail d’écriture sur plusieurs périodes. Ensuite, sont venues les images. Je ne voulais pas «illustrer» mais «mettre en scène». C’est quelque chose de fondamental pour moi. Mes personnages, je les imagine, toujours, être des acteurs, des danseurs. On les voit de loin comme au théâtre, ils sont toujours pieds nus comme lors d’une répétition. J’attache beaucoup d’importance à leur gestuelle, à leur déplacement. Pour moi, les hommes en blanc ne sont pas seulement des médecins mais aussi un groupe de danseurs aux actions souvent synchronisées. Dans chaque chapitre, j’invente un décor et une logique. Ensuite, je fais entrer les acteurs et je joue avec eux.

 

La tendresse des pierres  aux éditions Magnani

144 pages / 25,90€ 



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